• L'Andalousie aujourd'hui

              Communauté autonome au sein de l’État espagnol, l’Andalousie dispose désormais d’institutions propres à assurer son développement. Celui-ci, longtemps freiné par les aléas de l’histoire et des structures sociales parfois archaïques, dispose désormais d’un atout majeur : le tourisme qui, sous ses diverses formes, permet à la région de s’enrichir sans pour autant perdre son âme.

    Une région autonome

    L’Andalousie moderne

    Après le retour de la démocratie en Espagne, l’Andalousie devient la quatrième communauté autonome reconnue de l’État espagnol, qui en compte aujourd’hui dix-sept.

    Le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) remporte les élections en Andalousie en 1977. L’année suivante, le Gouvernement d’Adolfo Suárez approuve le régime de préautonomie de la région et constitue la Junta de Andalucía (Gouvernement andalou). En 1980, l’ autonomie de l’Andalousie est approuvée par référendum et son statut entre en vigueur en 1982.

    Lors des premières élections au Parlement andalou, Rafael Escuredo devient premier président de la Junta. Lui succèdent Juan Rodríguez de la Borbolla en 1984 et Manuel Chaves en 1990.

    En 1992 , cinq cents ans après la fin de la Reconquête et la découverte de l’Amérique, Séville accueille l’Exposition universelle, qui sera un événement mondial. La même année est inaugurée la première ligne du TGV espagnol (AVE) : Madrid-Séville. Depuis, l’Andalousie, à l’image de l’Espagne, a connu une croissance exponentielle, le tourisme s’est considérablement développé et la région est devenue le potager de l’Europe. Cette évolution s’est accompagnée d’une importante immigration en provenance essentiellement du Maroc et de l’Afrique subsaharienne, ce qui ne se fit pas sans heurts. Aujourd’hui, les contrôles accrus aux frontières et les nombreux naufrages ont mis un frein à ces arrivées.

    Par ailleurs, en 2006, le parlement andalou a mis sur pied un nouveau statut de la communauté, lui donnant plus d’autonomie et reconnaissant une « nationalité » andalouse. Il a été approuvé en 2007 par référendum.

    La population

    L’Andalousie compte 8 millions d’habitants , soit 20 % de la population espagnole. Aujourd’hui, la majorité vit dans les grandes villes (Séville, Málaga) et sur la côte. Cette région, qui fut une traditionnelle terre d’émigration, assiste aujourd’hui au phénomène inverse avec l’arrivée des immigrants arrivant d’Afrique du Nord et d’Afrique noire. L’intégration des immigrés maghrébins n’est pas toujours évidente commme ont pu le révéler en 2000 les incidents l’El Ejido dans la région d’Almería.

    Une autre forme d’immigration touche l’Andalousie, celle des retraités, surtout d’origine britannique ou allemande, qui viennent s’installer pour leurs vieux jours sur la Costa del Sol.

    L’organisation politique

    La Junta de Andalucía est l’organe exécutif autonome qui coordonne et dirige l’administration de la communauté. Son président collabore avec le Conseil du Gouvernement, composé de treize membres. Le Parlement andalou , dont le siège est à Séville, assume les fonctions législatives. Ses cent neuf membres sont élus au suffrage universel tous les quatre ans.

    L’organe judiciaire suprême est le Tribunal supérieur de justice andalou, dont le siège est à Grenade.

    L’administration centrale est représentée à Séville par un délégué du Gouvernement qui gère un réseau de sous-délégués provinciaux. La communauté autonome est divisée en huit provinces : Almería, Cadix, Cordoue, Huelva, Jaén, Grenade, Málaga et Séville, dirigées par leur propre « députation ». La plus petite division territoriale est la municipalité, gérée par un conseil municipal.

    Les symboles de l’Andalousie

    Approuvés définitivement par une loi du Parlement andalou, les trois symboles de l’Andalousie ne datent cependant pas d’hier. En effet, il est clairement stipulé dans le statut de l’Andalousie (1982) que l’hymne, les armoiries et le drapeau vert et blanc sont ceux définis en 1918 par l’Assemblée de Ronda et en 1933 par les juntes libérales d’Andalousie.

    Les armoiries , inspirées de celles de la ville de Cadix, représentent Hercule entre deux colonnes, entouré de deux lions. On peut lire au-dessus de lui l’inscription latine Dominator Hercules Fundator et à ses pieds la légende « l’Andalousie, par soi, pour l’Espagne et pour l’Humanité ». L’ hymne , quant à lui, recueille les revendications traditionnelles du peuple qui réaffirme son amour pour la paix et parie sur un avenir dans lequel les Andalous recouvrent leur place privilégiée d’antan.  

     

    L’économie

    Afin d’exprimer son admiration pour les immenses richesses naturelles de l’Andalousie, le géographe romain Strabon compara cette région aux champs Élysées. Comment expliquer que plus tard des paysans aient pu connaître la famine et l’émigration

    C’est surtout aux 19e et 20e s. que la situation économique des régions Sud de l’Espagne se détériora, tandis que le capitalisme espagnol prenait tout son essor dans les régions du Nord et plus particulièrement en Catalogne. Les problèmes s’aggravèrent pendant la période d’après-guerre, et les classes les plus défavorisées durent émigrer vers d’autres régions d’Espagne (en particulier la Catalogne et le Pays basque) et vers différents pays d’Europe (l’Allemagne, la France et la Suisse). Dans les années 1960, plus de 900 000 Andalous abandonnèrent leur terre.

    À partir des années 1970, la conjoncture commença à s’améliorer lentement, malgré la persistance de problèmes endémiques de la région : répartition inégale des terres (latifundia) , faible investissement industriel et formation professionnelle insuffisante.

    1992 fut une année faste pour l’Andalousie. L’ Exposition universelle , qui accueillit 40 millions de visiteurs, généra de gros profits à Séville et dans les villes du littoral, ainsi que dans les autres provinces. Grâce à cet événement, les axes de communication de toute la région se sont améliorés avec la création d’une autoroute reliant Séville, Cordoue, Grenade et Málaga, ainsi que d’une ligne ferroviaire à grande vitesse (AVE) desservant Madrid, Cordoue et Séville.

    L’euphorie de 1992 ne fit que masquer la crise industrielle sous-jacente, qui finit par ressortir ; celle-ci fut aggravée par les problèmes liés à la sécheresse, aux incendies de forêt en découlant et au chômage.

    Ces dernières années, l’Andalousie affiche un taux de croissance comparable au taux de développement moyen du pays, et si son taux de chômage reste le plus élevé de la nation, il a cependant sensiblement reculé.

    L’agroalimentaire

    L’ agriculture est le principal secteur de l’économie andalouse traditionnelle. La production céréalière se concentre autour de Séville (première région productrice espagnole), Cadix, Almería et Grenade. Les fruits (agrumes en particulier) et les légumes sont essentiellement produits dans la plaine cultivée de Grenade. Ces dernières années, d’immenses zones des provinces de Huelva et Almería se sont recouvertes d’une véritable « mer » de bâches de plastique destinées à protéger les cultures de primeurs et qui ont profondément changé le paysage et abîmé l’écosystème de la région. Les oliveraies se concentrent dans les provinces de Jaén et de Grenade, la vigne à Jerez, Montilla et Málaga, et le coton à Cordoue et Séville.

    L’ élevage , quant à lui, prospère essentiellement sur les pâturages de la sierra Morena, la sierra de Cadix et la chaîne Subbétique. Les pâturages sont des terrains le plus souvent clôturés et dépouillés de leurs taillis et d’une partie de leur végétation initiale, constituée de chênes verts et de chênes-lièges. Ce système agroforestier est unique en Europe : en effet, l’élevage du bétail cohabite avec la production de bois, de liège et de miel.

    L’élevage traditionnel, de type extensif, profite des pâturages naturels. On y élève le cheval andalou dit « cartujano », le mouton mérinos, le savoureux porc ibérique et le taureau de combat.

    Le secteur agroalimentaire mérite d’être mentionné en raison de la grande production et de l’excellente qualité des vins (notamment autour de Jérez, Montilla et Málaga) et de la réputation de l’huile d’olive. On n’aura garde d’oublier la pêche : poissons (thons et sardines en particulier), mollusques (clovisses, bucardes) et crustacés (crevettes roses et grosses crevettes) font de l’Andalousie la deuxième zone de pêche espagnole.

    Une terre peu industrialisée

    L’Andalousie est une région traditionnellement peu industrialiséee si l’on excepte, dans la province de Huelva, la région de La Rábida où se sont implantées nombre d’industries chimiques et pétrochimiques. Quant aux mines , industrie traditionnelle s’il en fut (nul n’a oublié que les gisements métallifères ont fait la fortune de Tartessos dans l’Antiquité), leur heure de gloire est révolue, même si l’on extrait toujours du plomb dans les provinces de Jaén, Almería et Cordoue, de la pyrite et du bioxyde de manganèse dans celle de Huelva et du fer dans celles de Grenade, Séville et Almería. Du moins si l’on omet les impressionnantes mines à ciel ouvert de Riotinto (province de Huelva) qui, lorsqu’elles étaient exploitées par une compagnie anglaise à la fin du 19e s., employaient plus de 10 000 ouvriers. Elles sont devenues aujourd’hui, tant par l’empreinte laissée sur le paysage que par les villages de style victorien, incongrus dans ces parages, qui accueillaient leurs employés, une des curiosités touristiques les plus étranges d’une terre qui n’en manque pas.

    Le tourisme, vecteur du développement

    Étonnante revanche sur le sort, cette activité économique majeure du monde contemporain fait aujourd’hui la richesse des pays et des régions qui, deux siècles plus tôt, ont laissé passer le coche de l’industrialisation. Chaque année, plus de 15 millions de touristes visitent l’Andalousie, devenue la troisième destination touristique des vacanciers étrangers en Espagne.

    Il est vrai que les attraits ne manquent pas, quelles que soient les attentes des touristes. Grâce à son climat et ses plages, le littoral andalou attire les foules à la recherche de mer et de soleil. La Costa del Sol, entre Málaga et Estepona, se taille bien entendu la part du lion. Tourisme de masse comme dans les stations hérissées de tours de Torremolinos ou Benalmádena, ou plus élitiste comme à Marbella ou Puerto Banús, refuges estivaux de la jet-set espagnole et internationale : hôtels, restaurants, discothèques, ports de plaisance s’y succèdent, et ont profondément changé la physionomie des villages de pêcheurs d’autrefois… Relativement moins construit, le littoral atlantique de la province de Huelva (ou Costa de la Luz), avec ses immenses plages, a ses partisans, notamment nombre d’adeptes du surf. Plus accidentée, la côte tropicale de la province de Grenade a conservé une partie de son authenticité mais est peu à peu envahie de complexes hôteliers. Il en va de même de la côte d’Almería, en particulier avec les zones protégées du cap de Gata aux portes duquel les projets immobiliers se sont malheureusement multipliés.

    Très appréciés des Espagnols, le tourisme vert et le tourisme de montagne rappellent que l’Andalousie ne saurait se limiter à ses côtes, si agréables soient-elles. La serranía de Ronda avec ses villages blancs, la sierra de Cazorla où l’on vient parfois de très loin écouter le brame du cerf, la sierra de Aracacena avec ses forêts et ses lacs, la sierra Morena, les Alpujarras et la sierra Subbétique sont parsemées de sentiers de randonnée permettant de découvrir la faune et la flore… et de bénéficier d’un peu de fraîcheur ! Végétation parfois luxuriante, parfois quasi désertique, oliveraies s’étendant à perte de vue, longues étendues plantées de cannes à sucre, sommets enneigés dominant des plaines caniculaires, la variété des paysages est telle qu’on ne se lasse pas de les contempler.

    Le tourisme culture l, enfin, prospère grâce aux villes d’art qui jalonnent l’Andalousie : il y a bien sûr Séville, Grenade et Cordoue, mais de nombreuses autres cités méritent l’attention, que ce soit Ronda, Carmona et Écija, Guadix, Vejer de la Frontera ou encore Úbeda et Baeza. 

     

    À la découverte d’un art de vivre

    Dans les villes, comme dans de plus humbles villages, le visiteur débouche soudain sur une placette au sol pavé : des maisons aux murs d’un blanc éblouissant, une fontaine ouvragée, la façade blasonnée d’une demeure seigneuriale ou celle, baroque, d’une église, un bar où, en fin d’après-midi, se retrouvent jeunes et moins jeunes, des dames jouant avec une virtuosité sans égale de leurs éventails… C’est une porte qui s’entrebâille sur l’Andalousie authentique : une vie à la fois branchée et délicieusement surannée, indolente et fataliste en apparence, mais débordant d’activités.

    Vous adopterez bientôt le rythme de ces journées estivales, coupées par une longue sieste et prolongées tard dans la nuit, et vous vous habituerez sans trop de peine aux horaires des repas un peu déconcertants pour le profane.

    Vous observerez le spectacle de la rue, son animation bruyante et le brouhaha perpétuel qui règne dans les lieux publics. Vendeurs de billets de loterie lançant leur lancinant « para hoooy », indolents lecteurs de journaux aux terrasses de café, indifférents en apparence au limpiabotas qui fait reluire leurs chaussures, claquement sec des éventails maniés avec une virtuosité sans pareille… Images fugaces de cet art de vivre andalou qui, peu à peu, commence pour vous à se dévoiler.